Physical Address

304 North Cardinal St.
Dorchester Center, MA 02124

Qui apporte les œufs de Pâques ?

Certains affirment que ce sont les cloches, d’autres les lapins, ou encore les cocottes, qui apportent les œufs de Pâques. Bref, les traditions varient selon les régions.
Les cloches revenues de Rome
Au pays des 36 000 clochers, il pouvait difficilement en être autrement. Dans la majeure partie de la France, ce sont les cloches qui apportent les œufs de Pâques. Pourquoi cette excentricité, que nous partageons apparemment avec les Néerlandais et les Belges néerlandophones (qui les nomment Paasklokken) ? Parce qu’il fallait bien trouver une explication au silence qui s’abat sur notre nation carillonnante pendant trois jours chaque année. « Selon la tradition liturgique, du jeudi saint au soir au samedi saint au soir, les cloches se taisent, explique Gérard Leser, historien et folkloriste. C’est le triduum pascal, les trois jours marquant la passion et la mort du Christ avant sa résurrection. »
Les cloches profiteraient donc de ce bref chômage technique pour quitter leur beffroi et s’envoler pour Rome. Là, selon les versions, elles recevraient la bénédiction du Saint-Père, ou bien elles seraient refondues, avant de revenir chargées d’œufs et de cadeaux, jusqu’aux jardins et aux maisons où trépignent les enfants le dimanche matin. Pourquoi des œufs ? Parce qu’ils sont un symbole du renouveau, de la fécondité et de la vie. « Les œufs font partie de la liturgie de Pâques depuis le XIIe siècle », assure Gérard Leser. Peut-être aussi, avance l’historien, parce qu’il était jadis interdit d’en manger pendant les quarante jours du Carême. Or, si les cloches s’arrêtaient de sonner, les poules, elles, ne s’arrêtaient pas de pondre : il fallait donc forcer sur l’omelette le jour de Pâques pour ne pas gâcher. Ainsi seraient nés le pâté de viande aux œufs du Berry ou encore la fouace de Touraine. Jusqu’à ce jour béni où quelqu’un – un pâtissier, gageons – eut l’idée d’en faire son beurre, de ces œufs, en les transformant en chocolat.
Un préambule lexical s’impose pour éviter le faux pas devant le gigot-flageolets. Le lapin de Pâques n’est pas lapin pour tout le monde. « Attention ! Il y a une ambiguïté sur le terme, avertit l’historien et folkloriste Gérard Leser. En Alsace, nous disons hàs, c’est-à-dire le lièvre de Pâques. Les Suisses disent lapin. En anglais, on parle d’Easter Bunny. » Passons sur ce dernier, que l’on pourrait traduire par « lapinou de Pâques », et qui transforme un animal légendaire en lolcat. Passons aussi sur la version australienne de l’histoire, dans laquelle le lapin a été remplacé par un bilby, soit une sorte de rat qui aurait passé trop de temps suspendu à des pinces à linge par les oreilles. Le but de l’opération est de sensibiliser le pays à la cause de ce marsupial menacé par les lapins, justement. Pourquoi pas, si les petits Australiens ont envie de manger des rats au chocolat…
Le lièvre et le lapin de Pâques, eux, ne prolifèrent pas. Leur emprise géographique a des limites, qui dessinent peu ou prou la carte du protestantisme. La légende serait née en Allemagne, avant de s’étendre aux Etats-Unis, au Royaume-Uni, ainsi que dans toute l’Europe centrale, jusqu’en Alsace et Moselle. Arrive une question que l’on est en droit de se poser si l’on n’a pas raté trop de cours de SVT. Pourquoi des mammifères ont-ils été choisis pour apporter des œufs aux enfants, au risque de semer la confusion dans leurs jeunes esprits ? Parce que le lapin, qui se reproduit au printemps, est le symbole de la fécondité, et donc de la vie – les croyances païennes ne sont jamais loin. « La première mention historique sûre date de 1682, rapporte Gérard Leser. Nous la devons à un étudiant allemand, Georg Franck von Frankenau. Dans sa thèse, il écrivait que certains parents parlaient à leurs enfants des lapins de Pâques. » Comment ne pas prendre au sérieux une thèse intitulée De ovis paschalibus ?
Dans certaines familles, paraît-il, on raconte aux enfants que ce sont les poules qui pondent les œufs de Pâques. Nous ne nous attarderons pas sur une loufoquerie pareille.
Clara Georges
Contribuer

en_USEnglish